L'essence du Mal, Luca D'Andrea, Editions Denoël

En 1985, dans les montagnes hostiles du Tyrol du Sud, trois jeunes gens sont retrouvés morts dans la forêt de Bletterbach. Ils ont été littéralement broyés pendant une tempête, leurs corps tellement mutilés que la police n’a pu déterminer à l’époque si le massacre était l'œuvre d’un humain ou d’un animal. 
Cette forêt est depuis la nuit des temps le théâtre de terribles histoires, transmises de génération en génération. 

Trente ans plus tard, Jeremiah Salinger, réalisateur américain de documentaires marié à une femme de la région, entend parler de ce drame et décide de partir à la recherche de la vérité. À Siebenhoch, petite ville des Dolomites où le couple s’est installé, les habitants font tout – parfois de manière menaçante – pour qu’il renonce à son enquête. Comme si, à Bletterbach, une force meurtrière qu’on pensait disparue s’était réveillée.





Pour ce premier roman, Luca D'Andrea frappe fort. En situant son récit dans un village de montagne isolé au coeur des Alpes, coincé entre l'Autriche et l'Italie, on se dit que forcément les personnages vont être aussi rudes que climat et l'environnement.
Salinger, le personnage principal est marié à une femme originaire de ce village. Il vient pour un temps indéterminé, loin du monde du cinéma, des strass et des paillettes. Après un premier drame dont il se sortira indemne,  ce réalisateur de documentaires va tomber sur un massacre qui a eu lieu quelques trente cinq ans auparavant. Immédiatement, Salinger va vouloir résoudre cette affaire.
Ce qui n'est pas au goût de tout le monde.

Des personnages ciselés

L'une des premières forces de ce roman, que d'aucuns placent entre Stephen King et Jo Nesbo, réside dans ses personnages. Evidemment Salinger est le plus fouillé, le plus travaillé. Il est cisaillé entre sa passion pour sa femme, pour son métier, pour son goût de découverte et aussi pour son respect pour les traditions. Tout au long du livre, on le découvrira tour à tour perdu, somnolent, amoureux mais aussi cupide et cruel. Qui est-il ? Lui même ne le sait pas et ce n'est pas l'accident - dont je ne préfère pas trop parler - qui va l'y aider.
Salinger s'enfonce dans une enquête dont personne ne veut ni n'a intérêt, semble t'il, qu'elle soit résolue.

Ensuite, on trouve Werner, le beau-père, mystérieux, qui possède une telle aura et une telle histoire qu'on le considère comme le patron. Créateur des secouristes des dolomites qu'il a dirigés pendant de nombreuses années, il est respecté, écouté. Malgré son âge, il contrôle tout. Y compris les discussions.

Autour de ces deux personnages centraux, Annelise fille de Werner, épouse de Salinger, tente d'exister. Elle est un peu en retrait et l'auteur ne lui prête que peu de profondeur. A mon sens, c'est un peu dommage. Elle aurait mérité mieux au cours du roman même si son influence sur Salinger est manifeste.
Clara, leur fille, vive et intelligente, la soupape du couple.

Et puis, on trouve le policier municipal, homme à tout faire, des basses besognes aussi, sorte de shérif local qui fait la pluie et le beau temps. Mais qui cache aussi de sombres secrets.

Une angoisse grandissante

Comme un huis clos suffocant, Luca d'Andrea tisse un récit progressif, qui monte, qui joue avec les nerfs des lecteurs. C'est donc, comme de nombreux romans d'ambiance, parfois lent et parfois rapide. L'auteur alterne les chapitres où se mêlent l'action et la réflexion.
La psychologie des personnages est plutôt bien fouillée. L'auteur prend son temps pour entrer dans leur tête, dans leurs pensées.
Plus on avance dans la lecture, plus les masques tombent, les vérités apparaissent jusqu'au final étonnant, cruel.

Un roman ancré dans une région

Certains auteurs ancrent leurs romans dans des pays ou des villes mais ne vont pas plus loin au point où on pourrait les transposer dans d'autres lieux sans problème. Ici, ce n'est pas du tout le cas, la région des Dolomites est un personnage à elle seule. Elle est même au coeur de l'intrigue. Elle est puissante, sans concession et dangereuse.
C'est très habile de la part de l'auteur.

S'il fallait trouver un point négatif, ce serait sur l'après-accident. Sans vouloir tout dévoiler, le drame que vit Jérémiah au début du roman n'a que peu d'incidence sur les autres habitants. Lui est fortement touché et toutes ses actions futures en découlent mais pour les autres... ?

Je remercie les éditions Denoël pour cette découverte qui est un vrai coup de coeur 2017.

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