Le fleuve des brumes, Valerio Varesi, Agullo éditions


Dans une vallée brumeuse du nord de l'Italie, la pluie tombe sans relâche, gonflant le Pô qui menace de sortir de son lit. Alors que les habitants surveillent avec inquiétude la montée des eaux, une énorme barge libérée de ses amarres dérive vers l'aval avant de disparaître dans le brouillard. Quand elle s'échoue des heures plus tard, Tonna, son pilote aguerri, est introuvable. Au même moment, le commissaire Soneri est appelé à l'hôpital de Parme pour enquêter sur l'apparent suicide d'un homme. Lorsqu'il découvre qu'il s'agit du frère du batelier disparu, et que tous deux ont servi ensemble dans la milice fasciste cinquante ans plus tôt, le détective est convaincu qu'il y a un lien entre leur passé trouble et les événements présents. Mais Soneri se heurte au silence de ceux qui gagnent leur vie le long du fleuve et n'ont pas enterré les vieilles rancoeurs. Les combats féroces entre chemises brunes et partisans à la fin de la guerre ont déchaîné des haines que le temps ne semble pas avoir apaisé, et tandis que les eaux baissent, la rivière commence à révéler ses secrets : de sombres histoires de brutalités, d'amères rivalités et de vengeances vieilles d'un demi-siècle... 

Dans la lignée de Giorgio Scerbanenco ou du duo Fruttero et Lucentini, un polar impressionniste servi par une prose pleine de panache, qui nous plonge dans l'atmosphère humide et ténébreuse de l'Italie du Nord et de son histoire tourmentée. 



Agullo éditions est une toute nouvelle maison d'éditions qui devrait faire parler d'elle dans l'avenir par la qualité de ses publications.
Le premier roman qu'elle présente "Le fleuve des brumes" est un roman publié en Italie en 2003 et écrit par Valerio Varesi, un auteur dont je n'avais encore jamais entendu parler. 
Avant même d'entrer dans le détail du roman, je souhaite évoquer le livre en tant qu'objet. Une couverture originale, rendue à sa plus simple expression. Une seule illustration. Le nom de l'auteur, le titre du roman et le nom de la maison d'éditions se situant sur le bandeau. Rien d'autre. C'est sobre et beau. De plus, pas de glaçage sur la couverture. Un papier épais qui rappelle les productions des éditions Zulma. Moi, j'adore et déjà, on voit que les responsables de Agullo éditions veulent se distinguer. Mais ce n'est pas uniquement par la conception de l'objet-livre qu'ils vont se distinguer mais aussi par la qualité des textes. 
En effet, cette enquête, menée au rythme lent d'un fleuve endormi, est servie par un texte subtil et poétique : 
"Toute cette eau qui coulait le long des rues avait délavé la ville qui semblait livide comme aux dernières gouttes d'une hémorragie.... L'eau continuait à tomber de nuages bas, effrangés côté terre, qui lui rappelèrent les entrailles laineuses des matelas éventrés par la brigades des stups lors des perquisitions. Il avait l'impression que le seul endroit au sec était la braise de son cigare. Même ses os, aux premiers pas du matin, s'étaient amollis comme des manches de pelles que l'on mettrait à tremper."
Les personnages créés par Valerio Varesi sont aussi singuliers que le décor dans lequel est planté cette histoire. Le commissaire Soneri, sorte d'Adamsberg italien, aime la bonne nourriture et s'imprégner de l'ambiance plutôt que foncer tête baissée. Il prend son temps, jauge la température et évalue les tempéraments. Il marche beaucoup, réfléchit encore plus, discute et tâtonne. 
Angela, sa "fiancée", adore le surprendre en lui proposant des parties de jambes en l'air dans des endroits incongrus. Il lui faut du piment pour alimenter sa relation avec le commissaire qui ne lui refuse jamais rien. Elle est tonique et déterminée. La relation entre ces deux personnages est vraiment intéressante et sort des sentiers battues. On est loin de la mièvrerie qui peut caractériser les amoureux. 
Et puis, on a tous les personnages qui gravitent autour du commissaire et qui composent le noeud de l'intrigue. Les Tonna, frères, dont le passé sordide resurgit peu à peu. Le vieux Barigazzi, dont l'attitude paraît suspecte. Qui est-il vraiment ? Que cache-t-il ? 
Le Pô, ce long fleuve en crue, est un personnage à part entière dans ce roman. Dangereux ou paisible. Il prend mais rend toujours. "Tôt ou tard, le Pôt vient vous rendre visite." Enveloppé d'une brume persistante, il prend des allures fantomatiques qui donne au récit un ton énigmatique. 
Le Fleuve des brumes est un formidable roman qui pourra ravir ceux qui ne sont pas particulièrement attiré par les romans policiers mais qui adorent les bons mots, les belles phrases, les jolis textes. 
Pour ma part, ce "Fleuve" est mon premier coup de coeur de l'année ! 
Disponible chez Agullo Editions. 




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